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I. Les enjeux internationaux des accords préalables : l’élaboration de sa politique de prix de transfert.

 

Des normes internationales existent pour aplanir les difficultés résultant de l'approche divergente relative aux accords préalables. Aussi, pour éviter leur remise en cause, la mise en place d'une fonction fiscale de prix de transfert dans l'entreprise (B) s'est affirmée comme la volonté pour l'entreprise et l'administration fiscale de clarifier les échanges internationaux (A).

 

A Une volonté de clarifier les échanges internationaux.

 

Dans ce contexte, la France a confirmé son attachement aux méthodes préconisées par l'OCDE (1) mais a instauré un accord prélable bénéficiant de ses propres caractéristiques (2).

 

1. Une référence constante aux principes du rapport OCDE du 13.07.1995, …

 

La procédure d’accord préalable se réfère aux articles du modèle conventionnel OCDE qui concerne les enjeux des prix de transfert. Il s’agit de l’article 4 qui définit la résidence, des articles 5 et 7 qui ont trait à l’imposition des établissements stables, de l’article 9 qui porte sur l’imposition des bénéfices d’entreprises associées et applique le principe de pleine concurrence, des articles 10, 11 et 12 qui fixent respectivement le régime de l’imposition des dividendes, des intérêts et des redevances et enfin, des articles 24, 25 et 26 qui renferment les dispositions spéciales à la non-discrimination, au règlement des différents et à l’échange des renseignements[1].

 

Le rapport pose ainsi la réflexion sur le principe de pleine concurrence, cette norme internationale doit être utilisée pour la détermination des prix de transfert à des fins fiscales et est exposée comme suit:

"lorsque deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions convenues ou imposées qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui sans ces conditions, auraient été réalisés par l'une des entreprises mais n'ont pu l'être en fait à cause des conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence".

 

Cette réflexion insiste sur le fait que les administrations fiscales ne doivent pas présumer systématiquement que des entreprises associées essayent de se livrer à des manipulations de leurs bénéfices dans la mesure où il peut être réellement difficile de déterminer un prix sur le marché libre alors que les mécanismes du marché n’entrent pas en jeu ou qu’il s’agit d’adopter une stratégie commerciale particulière.

 

En effet, certaines entreprises pouvant être soumises de la part des pouvoirs publics à des pressions fiscales contradictoires, toutes les méthodes fondées sur le principe de pleine concurrence se rattachent à l’idée que des entreprises indépendantes examinent les différentes options qui s’offrent à elles, et dans la comparaison de ses options, prennent en compte toutes les différences ayant une incidence sur la valeur respective de leurs prix de transfert.

 

La mise en place des accords préalables s’est alors présenté comme un moyen, pour l’entreprise, de sécuriser ses prix de transfert ; mais les caractéristiques principales de ces accords vont différer en fonction du pays de l’entreprise initiatrice de l’accord.

 

2. …Mais un accord préalable bénéficiant de ses propres caractéristiques.

 

En grande partie inspirées des recommandations du 13.07.1995[2], les caractéristiques de l’accord préalable français sont les suivantes :

* il résulte d'une démarche volontaire de l'entreprise. En effet, aucune administration ne peut espérer conclure un accord pertinent sans une véritable et fructueuse implication du contribuable concerné[3].

Ainsi, préalablement à la formulation même de la demande, les entreprises sont invitées à se rapprocher de l'Administration pour examiner les conditions dans lesquelles un accord pourrait être sollicité et instruit. Cette réunion préliminaire avant la formulation d'une demande officielle permettra d'évoquer l'opportunité d'un accord, le type et la portée des informations nécessaires à l'analyse de la politique de prix de transfert de l'entreprise, le calendrier prévisionnel des travaux ainsi que toutes questions relatives aux modalités d'instruction de la demande.

 

L'administration apprécie au vu des éléments d'informations communiqués par l'entreprise, l'intérêt de donner suite à sa demande; l'ouverture de la procédure résultera alors d'une initiative du contribuable auprès du bureau chargé de la négociation des accords. La demande doit être présentée six mois avant l'ouverture du premier exercice visé par la demande d'accord. Il est entendue qu'une demande est parallèlement initiée dans l'autre Etat concerné.

* dans son principe, il s'agit d'un accord bilatéral, conclu sur le fondement de l'article 25-3 du modèle de convention OCDE, entre les deux autorités compétentes concernées.

Ainsi, en France, l'accord préalable sur les prix de transfert ne pouvant être que bilatéral, l'autre Etat concerné doit avoir signé une convention fiscale avec la France prévoyant la possibilité pour les autorités compétentes des deux Etats de se mettre d'accord sur la répartition des bénéfices.

 

Sont donc exclus les accords préalables sur les prix de transfert unilatéraux et ceux intéressant des Etats n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale de ce type[4]. En effet, selon l'instruction, l'accord préalable sur les prix de transfert trouve son fondement juridique dans l'article 25-3 du modèle de convention OCDE. Les nouvelles conventions signées par la France comportent en général une telle clause. Tel est le cas notamment de la convention conclue en 1994 avec les Etats-Unis et des conventions conclues en 1995 avec le Japon et l'Espagne; plus ancienne, la convention signée avec la Grande Bretagne en 1968 prévoit également un dispositif analogue.

L'administration française semble donc considérer que les accords préalables sur les prix de transfert unilatéraux ne sont pas compatibles avec les principes généraux du droit fiscal français. Ils seraient, selon elle, contraires au principe de l'égalité des contribuables devant l'impôt qui suppose un droit de contrôle à posteriori. De plus, un accord unilatéral ne donnerait aucune garantie quant à la remise en cause ultérieure par une administration fiscale étrangère de la méthode choisie par l'entreprise. En pratique, dans l'hypothèse où un accord bilatéral n'aurait pas été conclu avec l'autre Etat requis et si l'entreprise est de bonne foi, il n'est pas exclu qu'un accord unilatéral puisse lui être donné à titre subsidiaire.

 

Cette possibilité apparaît cependant pour l'instant théorique, puisque l'administration se réserve un délai de réflexion lié aux enseignements des premières procédures d'accord préalable sur les prix de transfert avant de s'engager, le cas échéant, dans cette voie. En revanche, l'administration semble accepter la possibilité de négocier un accord préalable sur les prix de transfert français sur la base d'un accord unilatéral en cours de négociation entre une entreprise du groupe et une administration fiscale étrangère.

 

Aux Etats Unis, par contre, l’APA unilatéral [5] est possible et consiste en un accord entre le contribuable et le seul fisc américain. Toutefois, le contribuable devra justifier de sa demande en indiquant par exemple que l’autre pays ou l’autre contribuable refuse l’accord.

 

Quant aux accords multilatéraux, ils ne peuvent être qu'une addition d'accords bilatéraux: leur conclusion n'est pas formellement exclue!

 

Aux Etats-Unis et plus encore au Japon, le contribuable peut négocier un accord multilatéral. Néanmoins, étant donné qu’ils font intervenir un plus grand nombre de pays et qu’ils rendent la phase de négociations plus complexes donc plus coûteuses, ils restent rares. En effet, 80% des accords sont pour l’instant bilatéraux.

 

Au Royaume-Uni, l'administration fiscale encourage fortement les accords bilatéraux qui offrent l'assurance que la méthode retenue dans le cadre de l'accord préalable sera acceptée par les deux administrations fiscales concernées, permettant d'éviter une double imposition potentielle. En conséquence, dès lors qu'il existe une convention prévoyant une procédure amiable, l'administration fiscale britannique invite l'administration de l'autre Etat à participer à l'accord en application de cette procédure. Aussi, s'il s'avère impossible d'aboutir à un accord, l'administration fiscale est alors prête à donner un accord unilatéral. Toutefois, l'instruction anglaise précise que ni le contribuable, ni l'Etat contractant ne sont désavantagés par un accord unilatéral préalable en matière de prix de transfert dans la mesure où un tel accord doit en tout état de cause être modifié si un accord bilatéral ultérieur est conclu.

 

En Espagne, la procédure donne la priorité à l'accord unilatéral, il n'y a eu aucun accord bilatéral à ce jour[6]. Néanmoins, le décret royal de 1997 prévoit que si le contribuable souhaite que l'administration fiscale d'un autre Etat soit saisie, il doit le mentionner dans sa demande d'accord préalable. Dans ce cas, le contribuable qui prend l'initiative de la procédure, doit exposer dans sa demande les principales règles applicables en matière de prix de transfert dans l'autre Etat. L'administration fiscale espagnole a un pouvoir discrétionnaire en ce domaine et ne peut pas accepter d'étendre l'accord.

 

Si elle accepte, l'accord bilatéral peut être ouvert non seulement avec des Etats ayant conclu une convention fiscale avec l'Espagne qui prévoit une procédure amiable, mais également avec des Etats n'ayant pas de convention fiscale, par la voie diplomatique. En cas d'accord bilatéral, l'autorité en charge de la négociation est le Directeur Général des Impôts, alors que pour les accords unilatéraux, la négociation est confiée au département en charge du contrôle fiscal.

* une durée de négociation de l’accord variable. En effet, la réunion préliminaire est l’occasion pour l’administration de donner au contribuable des indications suffisamment précises pour lui permettre d’apprécier en toute connaissance de cause l’utilité de sa démarche.

 En Espagne, la procédure ne prévoit pas de réunion préliminaire, mais l’administration fiscale a un délai de 30 jours pour examiner la demande préalable et avertir le contribuable de sa décision. Si elle ne répond pas elle est présumée avoir accepté la demande préliminaire. A partir de là, un délai de 6 mois est fixé pour parvenir à un accord. Si aucun accord n’est obtenu dans ce délai, la proposition est présumée être rejetée. S’il a le mérite d’être très court, nul doute que le délai sera difficilement respecté dans le cadre des accords bilatéraux et qu’il conviendra d’aménager la règle du refus au-delà des 6 mois pour éviter que les administrations concernées et le contribuable se trouvent pris de court[7].

 

Les délais de l’instruction de la procédure par l’administration française n’ont pas été précisés : si l’administration fiscale ne manque pas de rappeler que toute demande d’accord préalable doit être introduire 6 mois avant l’ouverture de l’exercice au titre duquel il pourrait s’appliquer pour la première fois, elle ne fixe en revanche aucun délai d’obtention. Il semble que pour l’administration, la procédure devrait avoir une durée variant entre 6 et 18 mois, tout en étant si possible limitée à un an. L’expérience acquise par l’administration au fur et à mesure des demandes pourrait ainsi lui permettre de mieux définir son calendrier.

 


 

[1] Droit permanent fiscal, feuillet n°249, 25.10.1999, p.1605

[2] principes directeurs de l'OCDE, 4,124

[3] Question d'Actualité: Prix de Transfert, Editions Francis Lefebvre, FR, 61/99, p°11

[4] La France et la Chine comme la France et la Grande Bretagne ne prévoient pas de dispositions relatives à Hong Kong qui ne peut donc conclure d’accord préalable avec une entreprise française.

[5] Accord préalable sur les prix de transfert américain dit Advance Princing Agreements

[6] Accords préalables sur les prix de transfert, Agnès de l'Estolle-Campi, Editions Francis Lefebvre, Chronique, BF 2/00, p. 87

[7] Les délais de négociations des accords préalables sur les prix de transfert, BF, n°2, Editions Francis Lefebvre, Chronique, p.90

 


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